Compte-rendu Mardi 18 février 2020

 

« L'expérience patient », un nouveau concept d'amélioration des soins en imagerie

 

Participants : 

Radiologues : Alain LUCIANI : vice-président de la Société Française de Radiologie chargé de la recherche, Laurence ROCHER – responsable du Groupe Patient à la Société Française de Radiologie

INCA : Samuel de LUZE : responsable du parcours de soins, Julien SIMMONET : chef de projet organisation et parcours de soins

HAS : Christian SAOUT : membre du Collège de la Haute Autorité de Santé et ancien Président de AIDES

Associations de patients : Rolande GUASTALLI : association de l’Andar, Catherine FRANC : Coactis santé, Marie HENRIOT : Présidente association Paris-BPCO, Jean-Paul THIERRY : conseiller médical de France Assos Santé, Amah KOUEVI : fondateur de l’Institut Français de l’Expérience Patient

Journalistes : Sophie MARTOS : le Quotidien du Médecin, Cristelle JOLY : Ortus, Pascal MAUREL : Ortus, Joëlle HAYEK : Rédactrice en chef de Hospitalia, Pia HEMERY : Rédactrice en chef à Hospimédia, Carla Ferrand : Journaliste à Docteur Imago, Jonathan HERCHKOVITCH : Rédacteur en chef adjoint au Concours Médical, Lamine TALL : Infos Lumière Santé

SFR/ORTUS : Françoise Millet : secrétaire Générale d’Ortus, Jennifer Le Nourichel : chargée de communication à la Société Française de Radiologie

 

 

La réunion est ouverte par Alain Luciani, Vice-Président de la Société Française de radiologue en charge de la recherche. Le thème de la séance du jour est « L’expérience patient, un nouveau concept d’amélioration des soins en imagerie ».

Un concept qui englobe les relations entre les professionnels de santé et les patients, les attentes de ces derniers, leurs personnalités, leurs préoccupations, les interactions en amont d’une consultation, d’une hospitalisation ou bien encore le retour au domicile.

Ce concept intègre également les émotions des patients tout au long du parcours de soins, de l’annonce du diagnostic à l’après-traitement. Jusqu’où doit et peut aller le dialogue avec le patient ?

Christian Saout reconnait que la France a davantage agi sur la partie des droits des patients et de leur représentation que sur la partie participative. La HAS essaye de donner une modélisation de l’engagement des patients. L’engagement de la HAS vise à faire participer le plus possible les usagers dans les instances de décision et concertation. On distingue des situations avec un leadership est l’institutionnel et la participation co-construite où le leadership est partagé. Plusieurs outils et méthodes existent : des focus groupes et différents groupes de travail avec des usagers. La forme supérieure de la participation est la co-construction. Elle demande qu’il y ait des citoyens, des associations et des professionnels de santé motivés et mobilisés.

La mobilisation d’actions participatives peut amener davantage de qualité et de pertinence. Sur la pertinence et la sécurité, il y a des enjeux de délais notamment pour l’accès à l’IRM, des enjeux sur la radio-pédiatrique, sur les processus innovants. Concernant les relations de la HAS avec le monde de la radiologie, il existe des partenariats sur les recommandations de bonnes pratiques et sur les documents scientifiques. La SFR dispose d’un droit de saisine dans le cadre d’un programme de travail. La HAS peut émettre des messages, soutenir la légitimité des stratégies d’engagements des patients dans un projet de qualité de soins, de pertinence des actes, de bonne organisation des soins et elle doit alimenter la prise de conscience.

Amah Kouevi rappelle les caractéristiques de l’expérience patient à savoir l’ensemble des interactions et des situations vécues par une personne et son entourage au cours de son parcours de santé. Un des enjeux est de réduire l’asymétrie entre patients et professionnels. L’angoisse est consubstantielle à la maladie et à l’organisation de la prise en charge. L’expérience patient émerge de plus en plus dans les politiques publiques. Le rôle de l’Institut Français de l’Expérience Patient est d’être un accélérateur de changement. Faire progresser l’expérience patient passe par une bonne collaboration entre tous les acteurs de santé, les institutionnels, les structures de santé, les industriels. Améliorer l’expérience patient, c’est également améliorer le résultat de santé pour le patient. 

Alain Luciani ajoute qu’il y a une absence de retour d’expérience en imagerie et que c’est un levier à développer. Étant une discipline transversale L’imagerie est complexe car plusieurs acteurs interviennent dans le parcours d’imagerie.

Samuel de Luze rappelle que le parcours en cancérologie est particulièrement dense et complexe. Le radiologue a un rôle absolument pivot. Il est présent du début à la fin du parcours, du diagnostic au suivi à la fin des traitements. Selon l’Observatoire de la Ligue contre le Cancer, le pire moment est l’annonce du diagnostic. 1/3 des patients n’a pas eu une annonce adaptée préconisée par l’INCA. Il convient de développer des outils, des dispositifs, des éléments d’informations pour accompagner le patient. Il est important de structurer des actions de formation des soignants sur le ressenti du patient, ses angoisses, ses questionnements. Concernant l’information, il faut outiller le patient avec des éléments importants qui n’ont pas vocation à être anxiogènes. Le numérique peut être mis au service de l’information. Le patient doit posséder un récapitulatif de l’ensemble de ses soins, des conséquences, des séquelles possibles. Le retour des patients n’est pas suffisamment pris en compte, comme les effets indésirables et les événements importants.

Laurence Rocher ajoute que par rapport au dispositif d’annonce, la Société Française de Radiologie est partie prenante puisqu’elle a été missionnée pour la description précise du dispositif d’annonce avec des verbatims proposés aux professionnels de santé. Mais le document n’est pas assez diffusé. Il est à noter que des questions d’organisation se posent à tout moment dans les prises en charge complexes telles que l’AVC. Tout ne peut pas être inscrit dans la loi. Ce sont les organisations mises en place qui vont orienter les choses. L’accès au soin dépend du temps et de la distance. La téléconsultation abolit la distance. La télé-expertise diminue le temps.

En tout premier lieu, Jean-Pierre Thierry souligne que la radiologie et l’imagerie médicale ne sont pas des thèmes très portés car les associations de patients. Elles se mobilisent davantage sur l’organisation des soins, dans leurs rapports avec les médecins, sur l’accès aux médicaments … Ce qui ressort de l’expérience patient dans l’imagerie médicale, c’est la participation croissante des patients pour échanger avec les radiologues, de la pertinence et de l’organisation de l’imagerie médicale.

La soutenabilité financière du système de santé est une question licite : l’arrivée du progrès dans les thérapeutiques fait peser une contrainte financière qui va s’accroitre. Il faut optimiser le système, avoir une organisation, un recours qui permettent à la fois de préserver une universalité d’accès et un reste à charge faible. La pertinence en complément de l’expérience patient va prendre une place considérable car les contraintes sont telles que l’ensemble des euros investis en imagerie dans l’intérêt des professionnels doivent être optimisés.

Alain Luciani rappelle que l’information et la capacité à analyser des données scientifiques pour la population sont parfois très complexes. Il y a encore peu de données sur l’imagerie. Nous allons vers une radiologie prédictive. Dans quelques années, l’examen ne sera pas uniquement diagnostic : il entrainera des conséquences sur le choix thérapeutique, sur un pronostic de survie ou pas. Il faut que les patients soient préparés à le comprendre. Il est important d’avoir une feuille de route commune.

Jean-Pierre Thierry intervient pour souligner que cela peut être intéressant de ne pas toujours privilégier des traitements de plus en plus complexes.

L’imagerie aide à des désescalades thérapeutiques.

Alain Luciani répond que si on prend l’exemple des lymphomes, la désescalade thérapeutique permise par l’utilisation de l’imagerie métabolique TEP a été un des principaux points.

Il est possible de dire après deux cures de chimiothérapie, s’il faut continuer, s’il faut réduire la durée du traitement.

Le traitement personnalisé n’est pas forcément la dernière molécule, la plus chère.

Laurence Rocher ajoute que le cancer de la prostate est un bon exemple en termes de modèle radiologique de la prédiction mais aussi pour l’incidence de la prise en charge des patients. Depuis quelques mois, les recommandations précisent de ne plus procéder à des biopsies systématiques dès que le PSA est un peu élevé mais de réaliser une IRM en premier lieu. 

Pascal Maurel demande comment ce concept d’expérience patient s’inscrit dans l’histoire, dans la démarche de l’implication, de l’évolution du système de santé, en intégrant les attentes des patient ?

Christian Saout répond que le HAS n’a pas encore réalisé la partie participative car ce n’est pas dans notre nature. L’idée est que le patient exprime ses attentes, négocie des traitements à chaque étape de la prise en charge. La HAS a mis en place la formule du débat public en santé, ce qui peut être intéressant pour déterminer collectivement telle ou telle orientation stratégique, organisationnelle.

Julien Simmonet demande à Amah Kouevi si l’IFEP a réfléchi aux différentes vulnérabilités du patient ? Par exemple s’il est malvoyant, s’il a des difficultés à accéder à un lieu, s’il a des douleurs à être immobilisé dans un scanner, s’il a des problèmes d’accès à la langue. 

Amah Kouevi lui répond qu’un des axes majeurs de la philosophie de l’expérience patient est d’avoir une approche globale. L’enjeu est d’être capable de tenir compte des situations et d’adapter la réponse la plus appropriée.

Samuel de Luze intervient pour préciser qu’en complément du rôle des associations, il y a aussi individuellement le patient ressources. Le patient est devenu expert, il est détenteur d’un savoir qui peut bénéficier auprès des soignants et des patients avec lesquels ils vont partager leurs vécus.

Sophie Martos demande à Amah Kouevi : vous avez parlé de formation, les établissements aujourd’hui intègrent-ils l’expérience patient ?

Amah Kouevi lui répond que de plus en plus d’établissements inscrivent des orientations stratégiques autour de la prise en compte de l’expérience patient. Pour bon nombre d’entre eux, cela se résume à l’annonce d’une stratégie. L’enjeu est de les accompagner dans une phase plus concrète, plus opérationnelle. Pour passer du discours aux actes, il faut mettre les professionnels de santé en situation d’une expérience concrète. Nous les formons avec des simulations, des jeux de rôles, des entretiens menés avec des patients.

Alain Luciani intervient pour s’interroger sur le point suivant : en imagerie, nous sommes très transversaux, nous ne sommes pas dans une approche avec des organisations très structurées. Quels peuvent être les relais ?

Christian Saout répond que cela peut être la formation de professionnels de santé à l’écoute. De plus, les niveaux de langues des citoyens moyens ne sont pas ceux des scientifiques et des experts, il faut accepter de parler simplement.

Mme Franc confirme qu’il faut accélérer la pédagogie, repenser l’ensemble des pratiques. Il faut partir des besoins, du terrain et il faut discuter ensemble, nous ne sommes pas dans le conflit mais dans la co-construction.

Laurence Rocher intervient pour rappeler que le patient voit le radiologue lors d’une échographie et en radiologie interventionnelle. Pour l’IRM et scanner, le radiologue est invisible, il n’y a pas tellement de liens avec le patient. Il faut proposer au patient de voir le radiologue.

Christian Saout demande à Laurence Rocher pourquoi ce n’est pas dans la mission du radiologue d’offrir ce moment d’échange.

Laurence Rocher répond que c’est dans sa mission mais qu’il y a des contraintes de temps avec les machines modernes. Tout le monde veut rentabiliser le temps machine et le radiologue n’a pas le temps de voir tous les patients qui passent au scanner.  

Alain Luciani intervient pour préciser que l’expérience patient est la description d’un vécu sur un ensemble de parcours qui va de l’accessibilité à l’extérieur jusqu’à la restitution d’un examen. Quand on provoque la rencontre avec le patient, environ 60 % des malades disent « très bien je vais rencontrer mon radiologue » et 80 % des patients disent finalement que cette rencontre suffit.

Pascal Maurel souligne que cette réunion est là pour amener vers les échéances qui viennent (JFR) et que la coopération entre toutes les spécialités est nécessaire.

Alain Luciani répond que le changement culturel est difficile à faire du côté clinique, et plus globalement dans un service hospitalier. Aujourd’hui nos hôpitaux s’ouvrent vers l’extérieur. On ne gère pas de la même façon quelqu’un qui a besoin de s’inscrire dans un parcours de soins coordonné.

Marie Henriot explique que depuis qu’elle fréquente les radiologues, elle sait qu’elle peut demander à voir le radiologue. Elle le demande en cabinet privé, c’est relativement facile mais en milieu hospitalier c’est impossible. 

Catherine Franc souligne deux dimensions très différentes et très complémentaires de l’expérience patient. Il y a le vécu, le process, la question du ressenti, de l’angoisse. Mais comment le patient participe à la décision médicale, comment mettre en place un suivi de meilleure qualité ? Il y a toute une chaine qu’il faut documenter, qu’il faut penser pour que les établissements, le personnel de santé puissent mettre en place des plans d’actions.

Christian Saout intervient pour expliquer qu’il faut avoir une stratégie assez modeste. La Société Française de Radiologie peut avoir un guide de l’implication des patients labellisé SFR avec deux axes prioritaires, 15 actions repérées.

Alain Luciani répond que cette feuille de route lui convient. La Société Française de Radiologie sera d’accord pour s’engager dans ce parcours. La première étape consiste à préparer un questionnaire sur les besoins spécifiques à l’imagerie et dégager ensuite des actions à mener.

Rolande Guastalli raconte qu’elle a récemment passé un coroscanner. J’ai vu le cardiologue et le radiologue et j’ai eu les réponses de personnes qui ont su me parler. Je suis aussi patient expert à Cochin d’éducation thérapeutique et à Bicêtre auprès d’enfants atteints de maladies auto-immunes. Dans certains établissements, l’expérience du patient est déjà bien avancée et l’imagerie est présente.

Pascal Maurel précise qu’il y a encore beaucoup à faire, penser à la suite avec les associations de patients, mobiliser les professionnels eux-mêmes à ces nouveaux concepts.

Christian Saout ajoute que la HAS va publier des documents, les programmes de l’expérience. Ils comprendront une bibliographie et des conseils. Cela peut être une manière de faire quelque chose avec un groupe de patients.

Alain Luciani : c’est une première étape pour connaître les besoins et les actions. Nous sommes arrivés au terme, merci beaucoup. Nous allons établir un calendrier des prochaines rencontres pour aboutir à la fin de l’année à un programme autour de l’expérience patient nourri par nos rencontres des JFR de printemps et des JFR d’octobre.  

Julien Carricaburu précise : « Ce n’est pas parce que l’acte de téléconsultation (15 septembre 2018) et l’acte de télé-expertise (février 2019) sont remboursables que l’on va pouvoir, du jour au lendemain, réussir ce mode de pratique. Il faut que les patients aient confiance, ainsi que les médecins. Paradoxalement ce sont les médecins les plus anciens qui s’engagent le plus. Et les jeunes qui sortent d’un enseignement clinique avec de la palpation, ont souvent un peu peur ».

Dans la charte du G4, il est précisé qu’un patient donne son consentement, que la responsabilité est partagée entre celui qui adresse et celui qui fait l’acte…

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