Compte-rendu Mardi 2 avril 2019

 

L’EQUITE D’ACCES AU SOIN – L’IMAGERIE POUR TOUS

 

L’équité des soins est à la fois un concept de justice sociale et un objectif que les systèmes de santé modernes et démocratiques doivent se fixer. Pour autant, même si notre système solidaire fait de la médecine française une des plus généreuses, de nombreux problèmes existent. Aussi, nos approches doivent s’organiser dans des parcours de soins bien définis pour que la radiologie soit disponible à tous avec égalité et équité.

Le Dr Alain Mercuel, Psychiatre, chef de service à l'hôpital Sainte-Anne à Paris rappelle qu’environ 3600 SDF sont recensés à Paris, dont un tiers présente des troubles psychiques qui nécessitent des soins et 200 000 à 300 000 dans toute la France. Auxquels vient s’ajouter, depuis 2-3 ans, un nouveau « public » : les migrants.

Pour ces populations précaires, l’approche corporelle constitue une médiation pour l’accès aux soins. « Quand les personnes sont réticentes à parler de leur dépression, de leurs difficultés ou de leur état post-traumatique, les aborder au travers du corps lors d’une radiographie du thorax ou d’une échographie à la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS), l’imagerie devient alors un vecteur d’accès aux soins de façon plus générale et plus large. L’image ouvre des portes à des soins plus complexes, en particulier psychiatriques. « Le fait d’avoir une image, notamment pour les migrants, ouvre un support à la communication qui va au-delà de l’interprétariat, et ce, quel que soit le contenu de l’image. On peut dès lors, discuter du corps, et après, de l’esprit ».

« Les maraudeurs sont les acteurs de première ligne, ils repèrent la souffrance qu’elle soit physique ou psychique, puis accompagnent vers des acteurs de seconde ligne que sont les urgences des hôpitaux, les médecins bénévoles, les PASS, et les équipes mobiles comme celles de Psychiatrie et précarité.

L’accès à l’imagerie est très important pour ces populations. Assurer un parcours de soins dans la rue pose la question de « l’observance ». « Dans la rue, la première chose que l’on perd, c’est la notion du temps et c’est un travail incroyable de leur donner un rendez-vous et qu’ils le respectent, rajoute le Dr Guy Lessieux, qui a créé, il y a 20 ans, avec l’Ordre de Malte, une maraude dans les Hauts-de-Seine (92). « Un rendez-vous, on l’oublie dans les 2 heures » insiste le médecin bénévole.

Nous nous rendons au chevet des patients qui nous sont signalés soit par le 115, soit par la Croix-Rouge, soit par la Protection Civile ou d’autres associations. Quand des personnes se plaignent d’affections médicales, alors nous nous rendons sur site » explique-t-il.

Chez les migrants, cela va permettre d’investiguer les conséquences de la tuberculose et diagnostiquer des épanchements pleuraux, des souffles cardiaques ou des valvulopathies.

« Les SDF ont du mal à accepter de se soigner. Il faut des semaines pour établir un lien de confiance. L’approche est difficile et très personnelle », constate le médecin de l’Ordre de Malte je me souviens d’un patient vivant dans la rue « Il s’en moquait de mourir mais ne voulait pas qu’on lui coupe la jambe, le risque d’amputation a été le seul argument pour lui faire accepter les soins. »

Avec un véhicule, nous ne transportons pas les malades mais nous disposons d’un cabinet médical ambulant, où nous pouvons accueillir les patients à la rue s’ils acceptent de monter à l’intérieur – car souvent ils ont peur d’être « embarqués ». Au besoin, nous les examinons sur le trottoir.

Dans le cas des plus précaires, obtenir un examen d’imagerie médicale est extrêmement difficile car beaucoup ne bénéficient d’aucune couverture sociale (ni CMU, ni CMU-c, …). Ils ont soit perdu leurs droits, soit n’ont pas fait la demande pour les obtenir, perdu leurs papiers. Il y a bien les PASS, mais c’est loin de leur souci ».

Laurence Rocher ajoute que par rapport au dispositif d’annonce, la Société Française de Radiologie est partie prenante puisqu’elle a été missionnée pour la description précise du dispositif d’annonce avec des verbatims proposés aux professionnels de santé. Mais le document n’est pas assez diffusé. Il est à noter que des questions d’organisation se posent à tout moment dans les prises en charge complexes telles que l’AVC. Tout ne peut pas être inscrit dans la loi. Ce sont les organisations mises en place qui vont orienter les choses. L’accès au soin dépend du temps et de la distance. La téléconsultation abolit la distance. La télé-expertise diminue le temps.

Soucieuse de s’investir dans cette problématique de l’accès à l’imagerie pour les plus démunis, la Société Française de Radiologie propose de mettre de l’imagerie embarquée et du personnel formé à bord d’un véhicule.  Pour des raisons pratiques, le choix de l’échographie serait privilégié car le plus facile à mettre en place.

« On pourrait trouver des radiologues impliqués, jeunes ou moins jeunes, qui voudraient bien donner de leur temps » suggère le Pr Cotten. Dr Edjlali rajoute que « pour la radiographie, la possibilité de mettre en place de la télémédecine, via un système de stockage numérique est également envisageable. » Les docteurs Mercuel et Lessieux rajoutent qu’il faudrait tenter l’expérience sur 3 mois, en stationnant un véhicule équipé d’un échographe portable en des lieux précis

Les personnes en situation de handicap et les personnes âgées hébergées en EPHAD sont également « exclus » de l’accès à des soins complexes, soulignent Louis Matias, coordonnateur personnes âgées pour l’Ordre de Malte, et Hervé Delacroix, administrateur de l’Association des paralysés de France (APF)-France Handicap.

« Comment réaliser par exemple un panoramique dentaire chez une personne autiste ? – une situation qui peut s’avérer très inconfortable, induisant des pertes de repères qui peuvent aggraver les troubles du comportement.  C’est d’ailleurs la même chose pour une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer, témoigne Louis Matias.  Il faut que l’imagerie vienne à nous. C’est aujourd’hui ce qui se pratique ponctuellement dans certaines EPHAD où la télémédecine est mise en place pour les radiographies et les échographies, avec de la télé-radiologie pour l’interprétation. C’est cependant beaucoup plus compliqué pour l’imagerie lourde, scanner ou IRM, qui ne se déplacera pas. Il faut donc « favoriser la construction de réseaux de soins dans le cadre de partenariat pour éviter les délais et de se déplacer aux urgences ». Et ce d’autant qu’avec la réforme de la tarification des ambulances, la question du transport est devenue un casse-tête, ont confirmé unanimement les deux administrateurs.

Pour Hervé Delacroix, « l’accès aux soins en situation de handicap est tout aussi problématique, qu’il s’agisse de personnes avec des difficultés d’élocution, en fauteuil roulant, ou souffrant d’obésité. La prise en charge de la personne handicapée demande donc souvent une préparation et une mise en situation en amont. Les difficultés d’accès aux dépistages sont renforcées pour les personnes en fauteuil roulant. Les cancers du sein seraient ainsi 2 fois plus fréquents chez les personnes présentant un handicap que chez les autres. « Pourquoi ferait-on une mammographie à une personne handicapée ? » provoque Hervé Delacroix, « il faut combattre le refus de soin et faire en sorte que les personnes ne soient pas résumées à leur handicap et que leurs autres problèmes de santé ne soient pas considérés comme accessoires ».

Il est donc nécessaire et urgent de « s’adapter à ceux qui sont exclus », en mettant en place, par exemple, des équipes mobiles radiologiques, en favoriser la création de réseaux de soins.  En termes d’amélioration de l’information, Anne Cotten précise qu’un site est en ligne « patient.radiologie.fr », pour expliciter les différents examens d’imagerie aux patients.

A travers son partenariat avec l’association CoActis Santé (site santéBD https://santebd.org/), la SFR s’engage à relire les fiches informations en radiologie. SantéBD est une collection d’outils numériques gratuits qui décrivent les examens avec des illustrations et un langage simple et facile à comprendre (FALC). SantéBD existe sous la forme de bandes-dessinées numériques, d’une application mobile, de vidéos et d’une banque d’images avec plus de 10000 dessins sur la santé.

Les outils SantéBD s’adressent à TOUS et sont particulièrement adaptés aux personnes avec des difficultés de communication ou de compréhension : les enfants, les adultes qui ne parlent pas bien le français, et les patients en situation de handicap intellectuel ou avec autisme.

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