Des patients et des radiologues participent au rendez-vous des « Mardis de l’imagerie médicale » pour poursuivre le travail de dialogue et de co-construction.

La relation patient-radiologue n’est pas un axe de communication éphémère destiné à faire l’actualité le temps d’un congrès. Il s’agit bien d’un sujet structurant pour l’avenir de la profession.

La Société Française de Radiologie croit en la pertinence et la force du rapport humain, la machine ne pouvant qu’être une aide et non pas un substitut au médecin. Mais pour couper court à certains fantasmes technologiques - avec l’idée non dissimulée de diminuer les coûts de l’imagerie -, il est nécessaire de renforcer et d’optimiser les rapports entre patients et radiologues. Ce travail a débuté lors de la conception du programme des JFR 2017 avec une implication remarquable des patients. Il se poursuit par la mise en place des « Mardis de l’imagerie médicale », qui auront lieu quatre fois dans l’année.

La première séance a permis d’identifier les sujets de préoccupations communs qui nourriront les prochaines séances. Deux thématiques principales ont été dégagées : celle de l’accès aux soins sur tout le territoire et pour tous les types de patients et celle de la communication et du dialogue entre le patient et son radiologue au quotidien.

              

« Qu’il n’y ait plus de public oublié », a insisté Hervé Delacroix. L’accès aux soins en radiologie et en imagerie est un des grands thèmes prioritaires identifié par les représentants des patients. Outre les problèmes de présence sur tout le territoire et de délais d’attente, les représentants de l’APF insistent sur le fait que cette problématique d’accès aux soins doit aussi s’entendre comme la possibilité pour tous les patients, quelles que soient leurs capacités physiques ou mentales de trouver un cabinet libéral ou un service hospitalier apte à les prendre en charge. Car, comme le souligne Hervé Delacroix, même quand il y a les équipements nécessaires sur le territoire, encore faut-il pouvoir en bénéficier et ne pas « rester devant la porte ». Répondre à cette interrogation, liée, au départ, aux patients en situation de handicap, est en fait utile à tous, en particulier aux personnes âgées en situation de dépendance. Pour les représentants des patients, travailler sur l’accès aux soins, c’est travailler sur trois sujets :

  • la présence d’équipement en radiologie et en imagerie sur tout le territoire ;
  • la disponibilité sur tout le territoire de matériel adapté à la prise en charge de tout type de patient ;
  • la formation des radiologues et de leurs équipes à prendre en charge dans les meilleures conditions possibles tous les patients afin d’éviter les refus de soins.

Les problèmes de taux d’équipement et de délais d’attente sont bien connus. En revanche, la question des équipements adaptés aux situations des patients est moins mise en avant. « Nous avons vu aux JFR des équipements qui s’adaptent pour prendre en charge des personnes avec des déficiences physiques, par exemple des tables qui s’abaissent, témoigne Hervé Delacroix. C’est très bien, mais il faut maintenant que ces équipements arrivent dans les cabinets de radiologie et que les patients concernés en soient avertis. » « Il y a, à court terme, un enjeu de recensement de ces équipements adaptables et un enjeu d’orientation des patients vers les lieux qui peuvent répondre à leur besoin, précise Aude Bourden. Mais notre rêve, à terme, serait que les patients puissent trouver dans n’importe quel cabinet libéral ou n’importe quel service hospitalier ces équipements adaptés ou adaptables à leur déficience. »

Répondre à ce rêve est directement lié à la capacité d’investissement du secteur, privé comme hospitalier. Mais, pour Anne Cotten, il y a d’ores et déjà une marge possible « en optimisant les équipements existants » et « en informant les radiologues sur ces possibilités d’optimisation ».

 

Pour Jean-Michel Chabot, la réponse à cette problématique d’accès se trouve également dans deux évolutions majeures de notre système de soins qui permettent d’optimiser le parcours du patient : le développement de l’exercice regroupé qui améliore la coordination des professionnels ; et l’apparition du nouveau métier de coordinateur de soins qui peut répondre à ce besoin d’identifier l’offre adaptée et d’y orienter le patient.

« Il y a quelques temps, rappelle Jean-Michel Chabot, Groupama avait mené une expérimentation sur deux territoires ruraux en constatant que les médecins passaient six heures par semaine à négocier des rendez-vous avec des spécialistes. Le “conseiller de pays de santé“ a ainsi pris en main la coordination. L’idée a été reprise par l’ARS. » C’est très certainement avec ce type de solutions que l’on va améliorer concrètement la situation pour les patients et la fluidité de leur parcours.

Les difficultés d’accessibilité peuvent survenir en raison de refus de soins ou de renoncement aux soins. « Nous avons peu de retours sur des refus de soins en radiologie par rapport à d’autres domaines, relève Aude Bourden. Mais cela existe ». Les diminuer passe « par l’amélioration de la formation des radiologues lors de leur cursus initial ou continu », souligne Anne Cotten. « Même si, prévient-elle, cette question est aussi très personne-dépendante. »

Le problème du renoncement au soin est tout aussi difficile à traiter, d’autant que cela concerne des personnes qui, du coup, « disparaissent des radars » du système de soins. Pour Hervé Delacroix, il est nécessaire et urgent de dédramatiser l’accès aux soins. Le mot n’est pas trop fort car, comme le relève Catherine Cerisey, « en plus de faire quitter le système de soins, une mauvaise expérience avec un professionnel de santé peut détruire psychologiquement le patient ». Il faut donc expliquer qu’une mauvaise expérience peut être compensée par une bonne. « Il faudrait avoir une action résolue de témoignages d’expériences positives pour ne pas laisser toute la place sur les forums aux témoignages dramatiques », souligne Catherine Cerisey. S’ils correspondent à une réalité, ces témoignages anxiogènes ne représentent en effet pas les situations de soins les plus courantes.

Il faut aussi bien comprendre, explique Hervé Delacroix, que « les personnes qui n’ont pas toutes leurs capacités intellectuelles peuvent avoir une perception du monde un peu partielle qui ne rend pas évident l’accès aux soins. Il faut donc faire un effort pour les informer, expliquer, décrypter avec des mots simples ». Une exigence d’explication en réalité utile à beaucoup de patients qui peuvent être déroutés par la complexité de notre système de santé. Pour Myriam Edjlali-Goujon, cette demande des patients fait écho « au besoin d’une bienveillance adaptée au patient » qu’elle a clairement identifiée : « Il faut apprendre à adapter son discours à ce que le patient est prêt à entendre ainsi qu’à son parcours de soins spécifique. »

Déjà présente sur la question de l’accessibilité aux soins, la question de la communication entre patient et radiologue est l’autre grande thématique qui a émergé de la table ronde. Elle prime sur toute autre considération autour du changement, comme la e-santé ou la télémédecine. Celles-ci ne sont en définitive que des modes d’organisation et d’accès aux soins qui ne posent pas de problème insoluble à partir du moment où les bases de la relation entre praticiens et patients sont solides. Or le chantier est vaste. Il occupe un champ étendu, de l’accueil à l’annonce en passant par le comportement lors des actes de radiologie ou d’imagerie eux-mêmes. Il est, en outre, conditionné par le changement profond des rapports entre les professionnels de santé et les patients.

« Du fait que les patients ont accès à un grand nombre d’informations, notre rôle de radiologue a changé, constate Myriam Edjlali-Goujon. Nous n’avons pas seulement à bien dire ce que l’on pense sur le diagnostic, mais nous devons aussi expliquer la situation aux patients afin de donner à ce diagnostic du sens par rapport à ce qu’il a vu sur internet et qu’il aura plus ou moins bien compris ». De plus, estime-t-elle, « nous devons aussi convaincre certains patients que nous cherchons à prendre, avec lui et pour lui, la meilleure décision thérapeutique ». Une confiance parfois écornée par ce qui se dit sur internet.

Pour Catherine Cerisey, le socle de confiance envers le médecin n’est pour autant absolument pas remis en cause. « Lors d’une étude réalisée il y a quelques mois, nous avons interrogé les Français et les patients sur cette thématique. Le résultat est sans ambiguïté : les uns et les autres ont infiniment plus confiance dans ce que leur dit leur médecin que dans ce qu’ils lisent sur Internet. Ils ne remettent pas en cause la parole de celui-ci. »

En fait, la révolution de l’accès à l’information pour tous ne se joue pas tant sur l’information elle-même que sur la qualité et le contenu du dialogue patient-praticien qui en découle. L’enjeu reste avant tout le colloque singulier lui-même et la posture de l’un et de l’autre.

Le sujet est d’autant plus délicat à appréhender pour les praticiens que la situation est loin d’être homogène. « Attention, prévient Aude Bourden. On parle des patients, mais il y a autant de patients que de parcours, autant de médecins que d’expériences ». Ainsi, les praticiens ont à gérer de plus en plus de patients chroniques qui connaissent parfaitement leur maladie. « Le phénomène de la chronicisation des maladies, explique Catherine Cerisey, place les patients dans une situation où ils ont le temps d’acquérir une réelle expertise expérientielle de leur maladie. » Le dialogue est alors très différent, le patient ayant un savoir sur la gestion de sa maladie que le praticien ne possède pas toujours lui-même.

Pour autant, prévient Rolande Guastalli, « il ne faut pas oublier qu’une majorité des patients n’ont pas été formés à discuter avec leur médecin, à prendre des décisions thérapeutiques partagées. » Une situation conforme aux canons des sciences sociales, rappelle Jean-Michel Chabot : « Comme dans toute évolution sociale, nous avons affaire à une courbe de Gauss. Quels que soient les actions publiques, la pédagogie déployée et l’avènement de la e-santé, tous les patients ne deviendront pas des patients experts. Certains continueront à vouloir rester des patients passifs. » Ce qui peut être tout autant déroutant pour les praticiens.

Il faut donc prendre en compte la diversité des situations, acte Anne Cotten. Un constat simple qui peut s’avérer difficile à mettre en œuvre. D’autant que du côté des praticiens, le progrès scientifique les conduit paradoxalement à être plus prudents et à devoir « transmettre une notion d’incertitude au patient », souligne Myriam Edjlali-Goujon. Ce qui peut s’avérer ardu à faire en l’absence, en France, d’une réelle culture du bénéfice-risque.

Pour certains radiologues, cet enjeu peut s’avérer angoissant d’autant que, comme le constate Volodia Dangouloff-Ros, certains d’entre eux ont choisi la radiologie sans avoir vraiment conscience qu’ils auront « des choses dures à dire au patient ». Gérer des annonces de diagnostics graves peut être compliqué pour certains et conduire aux propos maladroits ou inappropriés qui marquent tant certains patients. Des propos qui ont donné lieu à l’excellente session « Ce qu'un radiologue ne devrait jamais dire à son patient » lors des dernières JFR.

« Certaines très mauvaises réponses de praticiens peuvent venir aussi du fait de ne pas assumer de dire “ je ne sais pas” », estime Volodia Dangouloff-Ros. Un constat partagé par les patients et résumé par Rolande Guastalli et Catherine Cerisey pour qui « c’est effectivement une question de posture du médecin qui n’envisage pas ne pas avoir la réponse à une question posée ». « Pourtant, on sait bien que vous ne pouvez pas avoir une réponse sur chaque pathologie », souligne Rolande Guastalli.

La solution n’est, en tout cas, pas de se taire. La communication est fondamentale dans les attentes des patients. Comme l’a souligné Jean-Michel Chabot, les travaux de l’Oniam montrent qu’un tiers des cas de procédure sont provoqués par le défaut ou l’absence de communication entre le praticien et le patient. Un constat qui valide aussi le nécessaire développement de la culture de l’erreur.

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