Compte-rendu Mardi 5 juin 2018

La réunion est ouverte par Myriam Edjlali sur le thème de « l’Intelligence artificielle en imagerie ». Dans une perspective d’excellence, les radiologues spécialistes de l’imagerie diagnostique et interventionnelle abordent les technologies émergentes avec enthousiasme. Telle est la tendance qui ressort de l’enquête menée au cours de l’été 2017 auprès des membres de la SFR.

Pour 74 % des répondants, l’enjeux prioritaire est de répondre à la demande croissante d’imagerie. Pour 70 % il s’agit de s’informer et d’utiliser les nouvelles technologies. Pour 67 %, il faut améliorer la qualité et la standardisation des diagnostics. On notera que les répondants du secteur public indiquent comme deuxième priorité la réduction des demandes inappropriées en imagerie à 70 %. De nombreux commentaires soulignent également les questions de la relation avec les patients, avec les cliniciens et l’importance de la formation.

Comment ces technologies émergentes peuvent-elles relever ces défis ?

  • Comment l’IA va-t-elle se développer ?
  • Comment le radiologue aborde l’IA dans son activité ?
  • Le but est-il de remplacer l’humain ou est-ce un partenariat « homme machine » dans la connaissance adaptée aux personnes ?
  • Comment mettre en place les relations avec les patients et comment les informer ?
  • Quels sont les droits des patients par rapport à leurs données ?
  • Quels sont les devoirs des radiologues en tant que garants de la production et de l’interprétations des données ?
  • Quels algorithmes vont être développés ?

Radiologues

  • Catherine ADAMSBAUM : Radiologue Pédiatre à Bichat
  • Anne COTTEN : Radiologue au CHU de Lille Présidente des JFR
  • Myriam EDJLALI : PH neuroradiologue, Hôpital Sainte Anne
  • Laure FOURNIER : Radiologue, experte de l’intelligence artificielle en imagerie
  • Laurence ROCHER : Radiologue, CHU Kremlin Bicêtre
  • Marc ZINS : Radiologue, Secrétaire général de la SFR, coordonnateur du Groupe SFR-IA

INCA

  • Laure ALBERTINI : Responsable Mission partenariats-coopérations et relations avec les professionnels
  • Raphaëlle BOHU : Chargée de projets, Coopérations et collaborations avec les professionnels de santé
  • Laetitia GAMBOTI : Responsable du Département Recherche Clinique

Associations de Patients

  • Paul RAMAZEILLES : France AVC
  • Alain COUEGNAS : France AVC
  • Rolande GUASTALLI : Association de l’Andar
  • Marie HENRIOT : FFAAIR insuffisance respiratoire
  • Jean-Paul THIERRY : Conseil médical de France Assos Santé

Journalistes

  • Anne JEAN-BLANC :  Le Point
  • François PETTY : La Médicale de France
  • Sophie MARTOS : Le Quotidien du Médecin
  • Bruno BENQUE : Dr Imago
  • Jean Claude DUROUSSEAUD : Capital Santé
  • Pascal MAUREL : Ortus

Deep learning « L’éruption de l’intelligence artificielle simule l’intelligence », selon Laure Fournier. Mais, c’est un futur qui parait relativement distant.

Il convient d’inclure dans la réflexion plusieurs notions comme la robotique, la vision par ordinateur, l’analyse de l’image automatique, le développement d’outils qui vont lire les images pour aider le radiologue …

Le machine learning au sein duquel il y a le deep Learning et qui rassemble les algorithmes qui vont être utilisés.

Le parcours des tâches est rempli par un radiologue quand il y a un besoin d’un examen médical

  • Indication : choisir le bon examen
  • La réalisation de l’examen : comment en pratique on l’exécute ?
  • Son affichage : visualisation
  • Détecter l’anomalie : la classifier
  • Générer un compte rendu qui est un outil de communication entre le radiologue et le patient et le radiologue et ses collègues.
  • Décision médicale pour prendre en charge la pathologie
  • Quels algorithmes vontils être développés ?

On parle beaucoup de la vision par ordinateur qui va lire les images. Mais en fait l’IA va toucher tout le processus de soin.

Le processus a un impact très pratique pour optimiser la planification des examens, trier les indications et visualiser les examens. Ces techniques vont arriver rapidement comme cela se passe avec les applications sur les smartphones pour les RDV, trouver un taxi, les applications qui facilitent la vie quotidienne …

Marc Zins rappelle que « le radiologue fait, pour sa part, plus de choses que de lire les images.

  • Il vérifie que l’examen demandé est pertinent et qu’il est bien adressé sur la bonne technique d’imagerie.
  • Le radiologue participe à la décision thérapeutique.

Il participe aux réunions pluridisciplinaires d’oncologie au choix du meilleur traitement. »

L’IA va influencer un certain nombre des éléments de cette chaine de soins et devra laisser beaucoup de place à la communication avec les patients. Par ailleurs, il y a beaucoup de fantasmes sur la détection automatique de pathologies et sur le compte rendu automatique. Dans la réalité, cela va prendre du temps : Ce sera beaucoup plus long, plus compliqué sur des pathologies complexes. En revanche, l’outil de travail va permettre de régler des cas simples.

Son action sera plurielle sur :

  • Le triage des indications
  • L’optimisation des planifications
  • L’interprétation des milliers d’images, à travers des workflows et des cas complexes pour lesquels nous avons peu de temps. Aussi, on attend que l’IA donne plus de temps à consacrer au patient et à sa prise en charge.

Le cas de l’AVC démontre que la rapidité de prise en charge du malade est centrale. Il s’agit de diminuer les délais de prise en charge pour diminuer les handicaps. La prise en charge est multidisciplinaire. Elle implique le neuroradiologue dans les unités interventionnelles et de nombreux autres acteurs en amont et aval. Le radiologue doit faire le diagnostic mais aussi mettre en route un traitement adapté. La question du gain de temps se posant, les algorithmes de l’IA peuvent faire gagner du temps dans de nombreux cas. Cependant, il faut noter que la performance de diagnostic d’un algorithme est faillible

Le rôle de l’homme reste d’être le « garde-fou ». « L’interprétation par l’IA va changer la manière de réfléchir et de juger si la décision thérapeutique est adaptée », selon Myriam Edjlali. L’approche radiologique peut être considérée comme lourde entrainant l’escalade d’actes invasifs. L’IA peut participer à améliorer cette capacité de réflexion et d’analyse du radiologue. Laurence Rocher complète l’analyse : « Dans l’exemple des nodules pulmonaires, la surveillance peut être la cause de sur irradiation et entrainer des contrôles répétés, l’anxiété du patient et l’embolisation des machines ». Pour Marc Zins, « Cela fait 10 ans que nous avons des outils de détections automatiques. Même si, aux Etats Unis la détection automatique n’est plus utilisée pour des raisons médico légales.  Il convient toujours de vérifier que la balance bénéfice-risque reste positive pour le patient »

L’IA doit améliorer la qualité de l’image et sa finesse. Grace à l’IA la dose d’irradiation pourrait diminuer.

Laure Albertini reprend les éléments suivants en les jugeant essentiels tels :

  • La réduction de l’irradiation des patients
  • La qualité de l’image
  • Le temps d’examen
  • La pertinence des soins,
  • L’allégement des parcours afin qu’ils soient plus confortables
  • La pluridisciplinarité des examens
  • Le confort des professionnels de santé

L’IA est un domaine important pour la recherche et l’optimisation des actes notamment en radiologie. L’IA est ainsi considérée comme pouvant opérer un bond technologique. Elle est liée à la capacité de start up de faire naître de nouveaux projets. Les attentes sont grandes, « parfois irréalistes » selon Jean Pierre Thierry. « Beaucoup de choses ne marchent pas et il faut s’emparer de l’IA pour faire de la recherche ». Les radiologues doivent être, en effet, au cœur de cette recherche. Dans le cas des essais cliniques, les patients disent souvent qu’ils sont d’accord pour faire avancer la recherche. « Nous devons avoir des réflexions de fond avec les patients et les médecins doivent les accompagner pour dire si leurs données doivent être utilisées pour la recherche. Ensemble nous devons réfléchir à cela en toute transparence ». Selon Marc Zins, « nous devons nous féliciter que plusieurs groupes internationaux et la recherche publique se développent en IA ».

La France est dotée d’outils d’archivages importants. L’ensemble de ces données vont permettre de développer les algorithmes pour améliorer les performance diagnostics. On a besoin de bases de données génétiques, biologiques, des images pour essayer sur ces bases de données complexes d’impliquer du deep learning et des outils IA adaptés. Il faudra voir ce qui a un sens dans l’approche diagnostic pour optimiser le parcours de soins et adapter les lignes thérapeutiques. Le radiologue est impliqué dans tous ces sujets.

Sur les budgets du ministère de la recherche il y a des pistes de financements des chantiers de l’IA. L’INCA est prête à participer à ces travaux et prête à aider les radiologues dans leurs réflexions. La recherche doit venir des radiologues mais il faut impliquer les informaticiens notamment. Il faut suivre ce qui est écrit dans le rapport Villani. Ce rapport encourage des actions transversales pluridisciplinaires. Si les acteurs se fédèrent la recherche avancera et c’est pour cela que l’INCA programme des actions intégrées, médicales sociétales et cliniques. Le rapport Villani souligne qu’il fallait former les médecins.

Rappelons l’importance des médecin bio statisticiens. L’INCA précise : « Nous travaillons sur le futur de la recherche. Nous sommes très à l’écoute de vos analyses pour réfléchir aux bonnes organisations et au bon financement. Nous sommes vraiment tournés vers le futur en recherche ». L’INCA note aussi qu’il est tourné sur le diagnostic précoce qui permettra d’améliorer la survie, diminuer les traitements

En France, les règles éthiques sont précises. Il y a une culture de la centralisation des données et de l’éthique. Nous devrions être capables de mettre en place des relations de qualité avec les patients. Les Européens sont en général admiratifs de ce que nous faisons sur le plan éthique.

Nous sommes souvent plus exigeants que la législation européenne. La protection des données est essentielle et les associations de patients le rappellent. Comment les informer est la question centrale. L’anonymisation est toujours dans le retraitement des données mais il faut comprend que les hôpitaux, notamment, sont en général dépositaires de très nombreuses données. L’IA accélère ces réflexions mais ces réflexions ne sont pas nouvelles.

A l’APHP il y a toujours eu des pratiques de recherches qui ont amené les professionnels à travailler sur ces questions. Il faut que la structure hospitalière gère ces questions en amont car souvent les médecins n’ont pas le temps de revenir sur les questions d’anonymisation. Avec le RGPD (Règlement général de protection des données) ces questions sont d’autant plus d’actualité.

Les patients peuvent être très acteurs sur ces sujets. Depuis 2002, nous devons, cependant, déplorer que l’on soit encore très loin de la vraie participation du patient à sa maladie. Il y a une différence entre ce qui est écrit et organisé et la réalité que les patients vivent au sujet de leur maladie.

Aujourd’hui les décisions se prennent toujours trop de manière « paternaliste » même si nous nous appuyons sur l’évidence based médecine. Il y a des réflexions sociétales à mener et pas seulement médicales. Tous les patients n’ont pas forcément connaissance de l’utilisation de leurs images. Il est légitime qu’ils s’inquiètent et veulent être renseignés sur ce sujet.

Des résistances assez fortes peuvent exister pour ce qui touche à l’aide au diagnostic. Par ailleurs, quand ont dit qu’il n’y aura plus de radiologues dans 5 ans, cela évidemment fait réagir la communauté professionnelle. Mais il va se passer plusieurs années pour s’approprier l’IA. Et on n’est pas arrivé à « l’aide à la décision ».

Les questions et les doutes peuvent se résumer ainsi :

  • A qui doit s’adresser l’algorithme de l’IA ? Le sénior n’en a sans doute pas autant besoin que les internes. Il faut réfléchir à l’idée de à qui les algorithmes sontils destinés ?
  • Comment on transmet l’information ? Qu’estce que l’on va dire au patient ?
  • Dirat-on que l’IA comporte aussi des risques ?
  • Nous devrons faire des choix entre tous les produits présentés par un grand nombre des startups qui travaillent sur le sujet. Quels seront les contrôles et la capacité du radiologue à prendre en main ces sujets très technologiques ?
  • Est ce que les médecins garderont une maitrise sur les grandes questions technologiques et si puissantes ?

Dans l’inconscient du médecin c’est lui qui décide. Or, le constat est que les médecins ne communiquent pas sur les risques et probabilités. La communication sur les risques n’est pas du tout développée. Et, il faudra sans doute de nombreuses années pour avancer sur ces sujets. Anne Cotten pense que « les radiologues ne doivent pas avoir peur de l’intelligence artificielle. Aussi, aux JFR, il y aura un espace dédié à ce sujet au travers du forum de l’IA, avec des échanges étroits, entre radiologues et chercheurs.

Et nous aurons un challenge IA. Nous avons demandé aux sociétés d’organes de travailler sur leurs approches de l’IA. Nous travaillerons sur des pathologies précises et nous nous demanderons si l’IA sera une aide pour caractériser les lésions et pour différencier une lésion par rapport à une autre. Nous mettrons au travail les participants sur ces questions et nous essaierons de mieux les connecter les uns avec les autres. Il faut que les groupes puissent travailler en même temps sur ces sujets souvent très proches.

« Le patient n’a pas de connaissance sur l’IA » dit Rolande Guastalli.

Il a l’image d’un robot et il a le sentiment que les évolutions technologiques peuvent réduire le contact entre le médecin et son patient. Et cela ne le rassure pas. Le patient est toujours attaché au contact avec le médecin notamment dans les maladies chroniques.

Selon, Laurence Rocher, il convient de rappeler que « le radiologue joue un rôle important dans le choix de l’indication de l’examen et dans la décision de la technique appropriée ». Le radiologue, médecin très spécialisé va décider du traitement et y participer. L’intelligence artificielle est une opportunité pour « remettre » le radiologue au sein de la clinique. Il y aura toujours un interlocuteur clinique au moment de l’examen, au moment de la décision et en fin de chaîne dans le compte rendu des résultats. L’IA permettra au radiologue de reprendre son vrai rôle de communiquant.

Il faut noter que les algorithmes sont déjà une réalité en radiologie pour construire les images. Aussi, « l’IA nous oblige à réfléchir à nos rapports avec les patients et à l’humanité de nos services », conclut laure Fournier.  Le radiologue, en effet, a de nombreux outils mais il faut noter qu’il passe beaucoup de temps médical derrière la machine. Il n’est pas au côté du patient. « Dans plusieurs types d’examens nous aurons une homogénéisation de l’interprétation », précise Laurence Rocher. Notons que l’IA est déjà présente dans la reconnaissance vocale que le radiologue utilise dans la dictée des comptes rendus. En réalité cela n’est pas toujours un gain de temps car on a perdu des emplois ou on les a réattribués. « Le danger est d’augmenter le travail des équipes » et il nous faudrait déterminer clairement le temps consacré au patient. » Par ailleurs, précise Laurence Rocher « Il faudra voir comment les machines travaillent avec les archives d’images et voir comment les patients acceptent que leurs images soient utilisées. Car pour l’instant nous n’avons pas tous les accords patients pour l’utilisation de leurs clichés.

Auteur(s)