Compte-rendu Mardi 6 mars 2018


La réunion est ouverte par Jean-François Meder, Président de la Société Française de Radiologie. Le thème de la séance est « Radiophobie, radioprotection ou radioprécaution ». La réalisation d’examens d’imagerie utilisant les rayonnements ionisants nécessite, en effet, une connaissance des risques. Il est important que la société savante et les institutions de santé ouvrent la discussion sur un sujet qui intéresse la société dans son ensemble, les journalistes et les patients.

Le Pr Ducou le Pointe rappelle qu’il existe deux types d’effets des rayonnements ionisants :

  • Les effets déterministes sont immédiats, ils correspondent à l’effet physique de l’irradiation et sont la conséquence d’une mort cellulaire. Les effets ne se produisent que si on atteint un certain seuil. En deçà de ce seuil, il n’y a pas de risque. Il faut souligner ici la différence entre la radiologie et la radiothérapie. En radiothérapie, la mort des cellules tumorales est le but recherché tout en ciblant pour épargner le plus possible les cellules saines situées dans le champ irradié. En revanche, en radiologie médicale, les doses sont nettement inférieures et ces effets déterministes sont exceptionnels. Ils concernent pour l’essentiel la radiologie interventionnelle lorsque le guidage d’une procédure complexe dure longtemps.
  • Les effets stochastiques sont au contraire des effets tardifs et liés à des mutations radio-induites ponctuelles de l’ADN. L’apparition d’un cancer dépendrait de cet effet, sans que l’on sache actuellement si pour les faibles doses utilisées pour les examens d’imagerie diagnostique, il existe un risque accru ou non.

On connait les effets des très fortes doses et nous savons qu’il y a une relation entre elles et le risque de cancers. En revanche, précise le Pr Bourguignon, les faibles doses et très faibles doses posent encore des interrogations. La question se pose pour des doses de l’ordre de 50 ou 100 millisieverts. En médecine, la réglementation formule l’hypothèse la plus péjorative d’une relation linéaire sans seuil. Plusieurs directives européennes régissent les obligations de radioprotection telles EURATOM 97-53 puis Euratom 59 transposées en droit français. Or, actuellement comme le souligne le Pr Bourguignon, la radiologie diagnostique et interventionnelle utilise des doses bien en deçà d’une imputabilité potentielle de cancer. Les doses reçues ne sont pas anodines mais jouent au sein de l’environnement du patient au même titre que les radiations naturelles, ou même que la pollution ou l’alimentation.

Aux Etats-Unis, il y a une vingtaine d’années, des articles sensationnalistes ont créé une certaine défiance dans la population vis-à-vis de l’utilisation des rayons X. Une étude basée sur un calcul théorique sans base épidémiologique suggérait que les scanners pédiatriques auraient provoqué plus deAux Etats-Unis, il y a une vingtaine d’années, des articles sensationnalistes ont créé une certaine défiance dans la population vis-à-vis de l’utilisation des rayons X. Une étude basée sur un calcul théorique sans base épidémiologique suggérait que les scanners pédiatriques auraient provoqué plus de
500 cancers/an aux Etats-Unis. Toute la difficulté de l’évaluation des risques stochastiques tient dans l’absence de marqueur biologique aujourd’hui capable de différencier à des années d’écart un cancer induit par un scanner réalisé à l’âge pédiatrique ou chez un jeune adulte, d’un cancer induit par le tabac, les pesticides, l’exposition excessive aux UV etc…Si les premières études publiées avaient une validité scientifique contestable, elles ont été suivies par des études épidémiologiques sur de larges cohortes. On attend actuellement beaucoup de l’étude européenne EPICITY, qui devrait être publiée cette année. Elle concerne les données d’un un million d’enfants en Europe. Elle devrait s’abstraire d’une partie des biais méthodologiques des études précédentes et permettre une analyse épidémiologique plus précise.

En France, l’exposition aux rayonnements médicaux reste de niveau inférieur à l’exposition naturelle. Elle se situe autour de 1,6 millisievert. Aux Etats-Unis, l’exposition médicale en 2006 avait rejoint l’exposition naturelle des rayons ionisants. Elle était autour de 3 millisieverts. Pour information, en Ile-de-France, l’exposition naturelle annuelle aux rayons ionisants est de l’ordre de 2,5 millisieverts. Tous les examens d’imagerie n’exposent pas au même niveau d’irradiation. Par exemple, les actes d’imagerie dentaire sont très peu irradiants. En revanche, la tomodensitométrie représente 10 % des actes d’imagerie utilisant les rayonnements ionisants et est responsable d’environ de 70 % de l’exposition médicale aux rayonnements ionisants. L’augmentation du nombre de scanners réalisés chaque année est en partie liée à la diminution de l’utilisation des examens d’imagerie conventionnelle du fait des progrès majeurs en tomodensitométrie. Ainsi, les radiographies « d’abdomen sans préparation » ont diminué de 21 % au profit de la réalisation de scanners de l’abdomen, qui permettent un diagnostic plus précis et plus rapide par exemple d’un pneumopéritoine (présence d’air en dehors des anses digestives qui peut nécessiter une prise en charge chirurgicale).500 cancers/an aux Etats-Unis. Toute la difficulté de l’évaluation des risques stochastiques tient dans l’absence de marqueur biologique aujourd’hui capable de différencier à des années d’écart un cancer induit par un scanner réalisé à l’âge pédiatrique ou chez un jeune adulte, d’un cancer induit par le tabac, les pesticides, l’exposition excessive aux UV etc…Si les premières études publiées avaient une validité scientifique contestable, elles ont été suivies par des études épidémiologiques sur de larges cohortes. On attend actuellement beaucoup de l’étude européenne EPICITY, qui devrait être publiée cette année. Elle concerne les données d’un un million d’enfants en Europe. Elle devrait s’abstraire d’une partie des biais méthodologiques des études précédentes et permettre une analyse épidémiologique plus précise.

Deux principes essentiels prévalent en matière de radioprotection : la justification et l’optimisation. Le premier versant, en amont de la réalisation de l’acte lui-même, est la justification des actes d’imagerie. En médecine et particulièrement en imagerie, il faut que les bénéfices attendus soient supérieurs aux risques. Si on attend un gain de temps et un meilleur pronostic avec la réalisation d’un scanner pour la suspicion d’une pathologie donnée, l’acte est justifié. Si en revanche, l’acte est demandé pour une crainte infondée ou par peur d’un procès, cet acte n’est pas justifié.
En amont de la rédaction de sa demande, le demandeur d’examen dispose d’un « guide du bon usage des examens d’imagerie » qui lui permet en fonction de la pathologie suspectée de choisir l’examen le plus adapté. Ce guide fournit également une classification par niveau de doses des différents examens. Le radiologue peut modifier toute demande d’examen et substituer s’il le juge pertinent en fonction de l’indication un examen utilisant les rayons X par une échographie ou une IRM. On notera ici que l’inverse est également vrai. Si le radiologue juge que la réalisation d’une IRM n’est pas adaptée (comme par exemple pour voir une fracture du crâne), il peut être amené à réaliser un scanner ou une radiographie. Comme le souligne le Pr Ducou le Pointe, si les courriers adressés au comité Radioprotection de la Société Française de Radiologie, montrent que la crainte des patients est centrée essentiellement autour du risque de cancer, il ne faut pas empêcher les traitements prodigués dans l’intérêt des patients, sans minimiser les risques. Enfin, il est nécessaire que les patients s’engagent dans ce processus de contrôle et d’évaluation en apportant leur dossier médical et leurs examens précédents, de façon à ne pas répéter inutilement des examens d’imagerie déjà réalisés.
L’autre versant de la radioprotection est l’optimisation, au moment de la réalisation de l’examen. L’optimisation correspond à l’engagement du radiologue à optimiser les paramètres de ses machines pour diminuer le plus possible les doses de rayonnements ionisants tout en ayant une image de qualité suffisante pour répondre à la question posée. Pour l’aider dans cette démarche, le radiologue dispose de niveaux de référence diagnostiques. Présentées sous la forme de guides, elles permettent à chaque équipe de se comparer aux normes. Cette optimisation repose également sur la participation des industriels et des constructeurs, grâce par exemple l’usage des technologies numériques qui entraînent des réductions de doses.

Un élément nouveau et très prometteur pour la protection personnalisée des patients serait la mise en place de tests sanguins pour évaluer la radiosensibilité individuelle des patients liée à la mutation de certains gènes dont on peut être porteur sans en avoir connaissance, comme la mutation BRCA1/2. Cette mutation expose non seulement à un risque accru de cancer du sein ou de l’ovaire, mais est associée également à une plus grande radiosensibilité.

Cette démarche de précaution et d’information suppose à la fois d’évaluer les doses pour chaque examen, de former les opérateurs et d’améliorer l’information des publics. La bonne pratique radiologique suppose « un usage éclairé » des rayonnements ionisants. Plusieurs mesures cadrent les procédures de soins. L’arrêté du 18 mai 2004 précise que la formation professionnelle doit être renouvelée tous les 10 ans. Tout radiologue dont le diplôme de radiologue date de plus de 10 ans devra être titulaire de cette qualification. La connaissance des doses délivrées lors des examens radiologiques est obligatoire. Le radiologue doit indiquer dans son compte rendu les informations qui montrent que l’acte est justifié, que les procédures ont été respectées et la dose reçue par le patient doit être indiquée. Enfin, la Société Française de Radiologie a réalisé des vidéos didactiques sur l’imagerie à l’intention du public, dont : « La radioprotection expliquée aux patients » consultables sur YouTube, qui seront complétées prochainement par une mise au point sur « Ce que vous avez toujours voulu savoir sur les rayons X ».

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