Compte-rendu Mardi 7 juillet 2020

 

« La radiologie dans l’épidémie de la Covid-19 »

 

Participants : 

  • Dr Corinne BALLEYGUIER, Radiologue Gustave Roussy
  • Dr Inès MANNES, Radiologue Pédiatrique – Hôpital Bicêtre
  • Pr Jean-François MEDER, Président de la SFR 
  • Dr Christine REVEL, Service des Bonnes Pratiques Professionnelles HAS
  • Pr Marie-Pierre REVEL, Radiologue - Hôpital Cochin

 

Durant l’épidémie de la Covid-19, les radiologues et leurs équipes se sont engagés dans la lutte contre l’épidémie, en lien étroit avec leurs collègues hospitaliers, en particulier urgentistes et réanimateurs, infectiologues, épidémiologistes biologistes, ainsi que les praticiens cliniciens de ville. À l’hôpital et dans les cabinets de ville, les équipes médicales et soignantes ont participé au diagnostic de la maladie et de ses complications et mis en place des parcours de soins adaptés à une prise en charge efficace des malades. La première vague de l’épidémie en Chine puis en Italie avait fait apparaitre le rôle important du scanner thoracique dans l’évaluation de la gravité des patients, mais également comme outil diagnostic. La communauté radiologique, en France et en Europe, accompagne aussi les malades et les autorités de santé dans la recherche sur l’épidémie. Plusieurs initiatives scientifiques originales ont ainsi été prises dans le diagnostic des pathologies pulmonaires.

La Société Française de Radiologie s’investit quant à elle pour informer les radiologues qui recherchent les conduites à tenir face à une maladie nouvelle dont ils ne connaissent pas encore tous les signes pathologiques. La SFR a publié, avec les agences sanitaires compétentes, des conduites à tenir et des guideline sur les bonnes pratiques à adopter dans la prise en charge des patients

La table-ronde « La radiologie dans l’épidémie de la Covid-19 » est l’occasion de présenter les principaux travaux réalisés par des équipes de radiologues pendant l’épidémie et de revenir sur les expériences acquises, utiles pour le présent et l’avenir.

Nous le faisons autour des axes d’étude et de partage suivants sur lesquels nous souhaitons discuter et que nous pouvons partager avec nos interlocuteurs, les patients d’abord mais aussi les journalistes et les institutions représentatives :

  1. Les réorganisations des services ont été opérées de manière efficace ;
  2. Les examens indispensables ont pu être maintenus en tout sécurité ;
  3. Le scanner s’est avéré très important dans la prise en charge de la Covid 19 ;
  4. Les soignants ont fait preuve d’une grande solidarité entre eux ;
  5. Un important travail de recherche et de mise au point des recommandations a été mené.

Durant la crise, d’importantes réorganisations de services ont été menées de manière très efficace.

Ainsi, à l’hôpital Gustave Roussy (Dr Corinne BALLEYGUIER, Radiologue Gustave Roussy), certaines consultations de cancérologie physiques ont été transformées en téléconsultations quand c’était possible, en particulier pour les patients « en surveillance ». Cette transformation a bien sûr eu un impact sur l’activité de radiologie puisque, en « temps normal », les consultations physiques sont couplées à des rendez-vous d’imagerie de surveillance. Ces imageries de surveillance ont donc été reprogrammées. Des blocs opératoires et des machines dédiés ont également été réservés et organisés pour les patients malades de la Covid 19.

À l’hôpital Cochin, (Pr Marie-Pierre REVEL, Radiologue - Hôpital Cochin), un travail de réorganisation a été mené pour organiser une filière spécifique de prise en charge des patients pour le scanner. Une demande d’autorisation spéciale a aussi été faite auprès de l’autorité de santé nucléaire pour pouvoir utiliser l’unité scanner du TEP scanner de médecine nucléaire situé dans l’enceinte Port –Royal et ainsi éviter des transferts de patients de l’autre côté de  la rue Saint-Jacques vers les scanners de radiologie.

Le télétravail avec l’interprétation à distance des examens, a été facilité grâce à la collaboration des équipes des systèmes d’information, ce qui a permis d‘améliorer le flux du travail de jour comme de nuit.

À l’hôpital Gustave Roussy, les patients en chimiothérapie qui ne pouvaient pas arrêter leur traitement ont été pris en charge de façon très sécurisée. Ainsi, dès le 13 mars, le circuit a été réorganisé pour assurer une sécurité complète suivant le protocole suivant : port du masque obligatoire, filtration des entrées, mise à disposition de gel hydro-alcoolique, et pratique du test PCR pour les patients. Aucune pénurie de masques n’a été observée.

Dans le même temps, des essais thérapeutiques ont dû être suspendus car il était impossible de commencer un traitement dans ce contexte. Certaines activités comme le dépistage du cancer du sein - qui n’est pas forcément un examen urgent en dehors des femmes à risque génétique ou des femmes présentant des symptômes – ont également été mises en pause.

Dans la prise en charge des cas graves de Covid 19 pendant la crise, les urgentistes avaient besoin d’une orientation rapide. Le scanner a alors permis d’obtenir une réponse en seulement quelques secondes. Des filières spécifiques ont été rapidement imaginées et mises en place dans l’ensemble des hôpitaux. Le nettoyage des machines, travail répétitif et fatiguant, a allongé les temps d’examens.

C’est pour cela que, à l’hôpital Cochin par exemple comme dans la plupart des hôpitaux qui disposaient de deux scanners ou plus, une machine a été dédiée à cette activité, tandis que l’activité en cancérologie a été organisée sur d’autres scanners. L’activité de radiographie de thorax au lit pour les patients en réanimation non transportables a aussi augmenté et le nombre de manipulateurs affectés à cette activité a été multiplié par trois, voire quatre, à certains moments. Compte-tenu de la nécessité de revêtir, puis de changer à chaque nouveau patient, les équipements de protection (surblouses, lunettes, gants, masques,...) le temps de réalisation des clichés était augmenté, jusqu’à 20 minutes par patient

Dans le cas de la radiologie pédiatrique, la radiographie thoracique a continué d’être l’examen de première intention, tandis que le scanner thoracique était discuté au cas par cas avec les cliniciens et réanimateurs.

Si le diagnostic de certitude repose sur l’identification finale du virus, le scanner s’avère très utile dans la prise en charge de la Covid 19 du fait de sa rapidité et de sa sensibilité. Il permet de réitérer un premier test PCR négatif si le résultat est discordant.

Gustave Roussy, pour la première fois dans son histoire, a accueilli des patients non cancéreux Covid 19, à la demande de l’ARS.

À Bicêtre, (Dr Inès MANNES, Radiologue Pédiatrique – Hôpital Bicêtre), l’aile pédiatrique a quant à elle été transformée du jour au lendemain en structure capable d’accueillir des patients adultes. Ainsi, une fois identifiées les activités à conserver (les activités d’urgence pédiatrique et les domaines d’expertise propres à Bicêtre, dont la radiologie interventionnelle pédiatrique), les équipes (aides-soignants, manipulateurs radio, internes, jeunes médecins, etc.) ont apporté leur aide dans les services dédiés Covid, en radiologie adulte, au SAU ou en réanimation. Les médecins âgés de plus de 60 ans se sont aussi inscrits sur Covidom, une plateforme pour prendre en charge les patients à domicile.

Le Dr Inès MANNES a également pu observer une collaboration efficace entre ville et hôpital. Certains cabinets pédiatriques notamment ont absorbé une partie de l’activité pédiatrique « non Covid », habituellement dédiée à l’hôpital.

Le Pr Laurence ROCHER a également pu apprécier l’engagement des élèves en école de manipulateur qui ont beaucoup aidé pendant les nuits. Cette mobilisation a été un appui important. Ont également été soulignés le grand travail mené par les aides-soignants et la grande collaboration entre les manipulateurs et la médecine nucléaire. Cette émulation et cette solidarité à multiples facettes sont les sentiments forts qui ont marqué les soignants des services d’imagerie.

Cette émulation et cette solidarité à multiples facettes sont les sentiments forts qui ont marqué les soignants des services d’imagerie.

À Gustave Roussy, les médecins ont émis des recommandations sur les examens pouvant être poursuivis ou arrêtés, et ont publié des règles de reprise d’activité de façon sécurisée. Les chercheurs de l’Institut se sont aussi réorganisés pour faire de la recherche sur le thème Cancer-Covid 19 et sur les facteurs d’aggravation.

Grâce à la SFR, les radiologues spécialistes, membres de la société d’imagerie thoracique (SIT) ont mis très rapidement en ligne des exemples de cas de Covid 19 pour aider et former leurs collègues à se familiariser avec cette maladie. A aussi été organisée par la SFR une « foire aux questions » pour donner des réponses aux radiologues sur la manière de s’organiser, de désinfecter leur unité, etc. Les radiologues de la SIT ont également participé à l’élaboration des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), de la Direction générale de la santé (DGS) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le projet STOIC (Scanner Thoracique Covid) permet de constituer une base de 10 000 scanners thoraciques. Ainsi, un groupe de deux radiologues de la société d’imagerie thoracique s’impliquent pour annoter les images et décrire les caractéristiques de la pneumonie et les signes de pathologies pré existantes (comorbidités). Confrontées au devenir des patients à un mois, ces données massives traitées par de l’intelligence artificielle permettront de développer des scores pronostiques. La base nationale de données FIDAC est portée par la SFR au nom de DRIM France IA avec l’aide de NEHS Digital. Elle a débuté pendant la crise et a pour objectif de mettre rapidement à disposition un set de données de scanners thoraciques provenant de différents centres selon un protocole d’acquisition standardisé afin que des chercheurs puissent développer des outils de segmentation, de détection, de classification, des scores de gravité pour mieux prendre en charge la maladie.

La HAS (Dr Christine REVEL, Service des Bonnes Pratiques Professionnelles HAS) a également mené un important travail de recommandations et de production de fiches « réponses rapides ». Ces fiches ont vocation à informer les soignants et à guider la prise en charge et le suivi des patients. A ainsi été produite, en collaboration avec les experts en radiologie (dont la SFR) et sur la base des données de littérature disponibles, une fiche « réponse rapide » sur le scanner thoracique dans la prise en charge des patients atteints/suspectés de Covid19.

Aujourd’hui, est aussi mené un important travail pour apprécier les séquelles causées par la maladie, notamment chez les patients qui ont développé des formes graves de pneumonie. Le radiologue va jouer un rôle important dans ce travail d’évaluation.

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